lundi 14 juillet 2014

Voyage d’échange

Dans le cadre de ces activités l’INRAN en collaboration avec le Projet CCAFS/ICRISAT ont initié un voyage d’échange et de visite d’opportunités d’apprentissage s’est déroulé du 2 au 6 décembre 2013. Les différentes stratégies développées par les communautés des sites analogues pour renforcer leur résilience face aux risques climatiques sont portées soit par des individus soit par la communauté.
Le choix des analogues climatiques du village de Kampa Zarma a été opéré en utilisant, le modèle IAP de prévisions des changements climatiques basé sur la pluviométrie et les températures. Deux cartes topographiques au 1/200000 (Ader Doutchi Maggia et Bagaroua) ont été exploitées pour déterminer  l’étendue de la zone d’étude qui est située entre 4°-6° de longitude Est et 14°-15° de latitude Nord.
Ainsi, deux sites analogues ont été identifiés dans la commune rurale de Tajaé (Région de Tahoua). Villages de Iskita et Guidan Dimaou, en fonction des opportunités d’apprentissage identifiées. Celles-ci sont : la récupération des glacis par la combinaison des cordons pierreux plus les zais (maida hoako rairai) ; la récupération des glacis par la confection des demi-lunes ; la récupération des glacis par la combinaison des demi-lunes et des zais ; la récupération des glacis par la confection des zais combinée à la régénération naturelle assistée (RNA) ; L’allaitement AIE (au sein maternel) ; le maraîchage ; le compostage ; l’alphabétisation ; les activités « mata ma su dubara », MMD ; la banque céréalière ; la construction de latrines  et  la multiplication de semences de mil et de niébé. Vingt (20) producteurs (10 femmes et 10 hommes) du village de référence à savoir Kampa Zarma ont été choisis de façon participative par leurs paires en assemblée générale pour prendre part au voyage d’échange afin de découvrir en vue de s’approprier des opportunités d’apprentissage actuellement mises en œuvre dans lesdits sites.
A l’issu, de ce voyage des informations ont été collectées sur les opportunités, décrites et expliquées par le témoignage des différents porteurs.
1.       Récupération des glacis par la combinaison des cordons pierreux plus les zais (maida hoako rairai) : Porteur de l’innovation : Illa Djibo, 45 ans
J’ai été initié par le projet de Développement Rural de Tahoua (PDRT) pour la confection des zais et par le projet Mark pour la réalisation des cordons pierreux. C’est une activité que je mène depuis 15 ans. La combinaison des zais et des cordons pierreux a plusieurs avantages :
·         Permet la déviation de l’eau de ruissellement ;
·         Favorise l’infiltration de l’eau;
·         Favorise la rétention des débris fins dont le sable ;
·         Favorise une bonne infiltration de l’eau.
Je commence la trouaison des zais qui de surcroit se fait en quinconce, dès la fin des saisons des pluies c'est-à-dire au mois de novembre pour pouvoir bénéficier  des bienfaits de l’harmattan (apport de la matière fine), ce qui m’évitera d’apporter  du fumier. Dans les trous de zais, je peux semer le mil et le sorgho dans un même poquet et après le sarclage je sème du niébé juste à côté.
Sur cette terre totalement glacifiée, il était impossible de produire quoi que ce soit, mais aujourd’hui grâce à la combinaison de ces ouvrages, je produis suffisamment pour nourrir ma famille et même pour satisfaire d’autres besoins.
En plus ce qui est extraordinaire, vous constater un retour de la végétation là où il n’existait rien auparavant.
2.       Récupération des glacis par la confection des demi-lunes : Porteur de l’innovation : Jadi, 38 ans
Je commence la réalisation des demi-lunes à partir du mois de novembre. J’en confectionne 16 sur 100 mètres linéaires en fonction de la courbe de niveau et en quinconce de façon à récupérer le maximum d’eau de ruissellement. Après, j’apporte de la fumure organique décomposée dans le creux de l’ouvrage. Je combine ça avec les cordons pierreux de façon à piéger le maximum de sable.
Je sème du mil, du sorgho et le niébé après ressuyage dans le creux de l’ouvrage et non sur le bourrelet. Sur ce petit espace, j’ai récolté 30 bottes de mil ce qui était impensable avant.
Après ces dires, un des producteurs visiteurs a compté le nombre de talles productifs par poquet et a trouvé une moyenne de 16. Il était éberlué car disait-il que chez eux, le plus téméraire ne peut récolter plus 50 bottes et ce sur plusieurs hectares.
Cinquante bottes, c’est la  dîme « zakkat » de quelqu’un chez nous c'est-à-dire un dixième de la production et ceci grâce à la réalisation des ouvrages de récupération des glacis, renchérit  monsieur Jadi.
3.       Récupération des glacis par la combinaison des demi-lunes et des zais : Porteur de l’innovation, Abdoulaye Issa, 45 ans
Cette activité a commencé en 2008. Les demi-lunes et les zais sont réalisés en fonction des courbes de niveau. Les lignes de zais se placent entre celles des demi-lunes. Ce dispositif permet une récupération rapide des terres. Au début, on sème du mil, du sorgho et du niébé seulement dans les creux. Mais quelques années plus tard, on peut semer sur les bourrelets.
4.       Récupération des glacis par la confection des zais combinée à la régénération naturelle assistée (RNA) : Porteur de l’innovation : Moussa Aroché, 50 ans
Je réalise cette activité depuis 13 ans. Avant, tout cet espace était dénudé, il y’avait un seul arbre de Pyliostigma reticulatum à l’est. Après la trouaison des zais, j’ai apporté de la matière organique. Par la suite, les animaux qui venaient paitre dans mon champ laissaient des déjections qui contenaient des grains de Pyliostigma reticulatum. De jeunes arbres ont poussé et moi je les avais entretenus. Aujourd’hui on compte plus de 100 arbres dans cet espace. Cette prouesse fait que je suis devenu une référence dans le village.
Pour la sauvegarde des arbres une entente tacite existe au niveau du village. Tout contrevenant est signalé aux services de l’environnement qui le sanctionnent conséquemment, c’est la clé de réussite de cette opération.
Dans les zais, je sème le mil, le sorgho et le niébé. Les variétés traditionnelles et les variétés améliorées réussissent bien. Pour la trouaison, le recours à la main d’œuvre salariée ne nécessite pas de gros moyen financier (5f par trou).
5.       L’allaitement AIE (au sein maternel) : Porteur Aichatou Oumarou, 34 ans
Cette activité vise à combattre la malnutrition chez les enfants. Elle est basée sur les principes suivants :
·         Jusqu’à 6 mois le bébé est exclusivement allaité au lait maternel. Durant cette période, on ne fait pas recours à l’eau comme boisson ;
·         Avant la tétée, les tétons sont lavés au savon de marseille ;
·         Il est strictement interdit de donner au bébé le breuvage traditionnel « guitti », indigeste son tube digestif encore fragile ;
·         L’état nutritionnel de  l’enfant est déterminé par la mesure du tour de son avant bras et du bras.
6.       Le maraîchage : Porteur de l’innovation : Zalika Moussa, présidente de l’association
L’activité a été initiée par le projet CLUSA (arziki) à la demande des femmes du village. Trois groupements féminins totalisant 34 membres pratiquent cette activité. Le terrain a été octroyé par le chef du village et les semences par le projet arziki. Le site devrait être  équipé d’un système goutte à goutte fonctionnant à l’énergie solaire. Mais ce dispositif n’a pas fonctionné par insuffisance d’eau de la nappe phréatique.  La clôture du site a été assurée par le Prodex. Un puits assure l’approvisionnement en eau.
L’activité a démarré en 2012. Les principales contraintes signalées à ce niveau sont, l’insuffisance d’eau, le manque de semences potagères, l’insuffisance de petit matériel, le manque d’accès à la fumure minérale et les attaques du chou par la pyrale. Les  productrices ont exprimé un besoin de renforcement de capacité pour la mise en place des pépinières, la confection des planches, le repiquage ; les méthodes de lutte contre les ravageurs, etc.
Il n’y a pas de problème d’écoulement de la production, car tout est vendu dans le village et les marchés environnants.
7.       Le compostage : Porteur de l’innovation : Mahamadou Sani, 48 ans
J’ai 30 ans d’expérience dans ce domaine. Le compostage consiste à placer dans la compostière en alternant une couche de glumes de mil puis une couche de fumier de ferme, jusqu’au remplissage de la compostière. A chaque fois, la couche de glumes de mil est arrosée avant de déposer la couche de fumier de ferme.
Après la maturation qui intervient au bout de deux semaines, le compost est déterré puis transporté dans les champs et placé préférentiellement dans trous de zais ou épandu dans les parties lessivées du champ.
Depuis  que je pratique cette technique, je n’utilise  plus les engrais minéraux.  
8.       L’alphabétisation : Porteurs : à Iskita, Aichatou Oumarou, 34 ans et Almou Bouta, 49 ans à Guidan Dimaou
A Iskita, l’activité a été initiée depuis 2002 par le projet ADL, qui a pris en charge ma formation en tant que monitrice de l’alphabétisation à Illéla. Mon salaire qui s’élevait à 25000f CFA par mois, était entièrement pris en charge par le projet.
La première année nous avions un effectif de 42 femmes et la deuxième 46.
C’est le projet ADL qui a acheté tout le matériel de départ : tableau, nattes, craie, matériels didactiques, ardoises, cahiers. Nous apprenons aux femmes à lire, écrire et calculer. Nous abordons aussi tous les sujets relatifs à la vie quotidienne, les relations hommes/femmes, la vie dans les foyers.
L’alphabétisation a aussi concerné les hommes qui étaient pris en charge par un moniteur.
Les heures des cours étaient de 12 heures à 16 heurs pour les femmes et la nuit pour les hommes.
Depuis la fin du projet, ces activités se sont arrêtées par manque de matériel didactique, d’ardoises, de tableaux, de craie et de cahiers.
A Guidan Dimaou, l’activité a débuté en 2004 sous la demande des groupements MMD. Au début, le paiement du moniteur se faisait à 50% par le projet Italien/CILSS et 50% par les groupements des femmes. AU total 55 femmes sont alphabétisées. Les cours sont dispensés de janvier à mai chaque année. Actuellement, cette activité continue et c’est le réseau des femmes qui prend en charge l’achat du matériel didactique et le salaire du moniteur. Cette activité était mixte au départ, actuellement elle n’est pratiquée que par les femmes.
9.       Les activités « mata ma su dubara », MMD ; Porteur groupements féminins
Cette activité a été initiée par le CARE international et ne concerne que les femmes. Le fonds de démarrage provient d’une cotisation de 100f/semaine/femme. Les fonds ainsi recueillis servent à donner du crédit avec 10% d’intérêt à celles qui désirent faire le petit commerce. Mais en cas de non respect de l’échéancier pour le remboursement du crédit, une taxe équivalente à 10% du montant perçu, est appliquée. Les crédits ne sont accordés qu’aux femmes mais les fonds peuvent être utilisés pour acheter des vivres qui sont vendus sans distinction du sexe. Le village compte 5 groupements, et aucune femme ne peut être membre de plus d’un seul groupement.
10.   La banque céréalière : Porteur : les hommes à Iskita et groupements féminins à Guidan Dimaou
A Iskita ; c’est une pratique qui existait dans le village. Après les récoltes, les ménages mettaient en commun 3 à 4 tias de graines soit 7,5 à 10 kg, en prévision des périodes difficiles.
Le village a construit par ses propres moyens un magasin aéré de stockage de céréales.
L’approvisionnement de ce magasin se fait par les dépôts collectifs des membres, mais aussi par les achats sur les marchés après les récoltes, période pendant laquelle le prix d’achat est bas.
Cette expérience a été appuyée par le PAC et le PAM,  en renforçant le stock  initial de céréales  avec 50 sacs de mil et 100 sacs de riz.
Pour la durabilité  de la banque, un comité de gestion mixte composé de 7 membres) a été mis en place.
La boutique n’est ouverte qu’en début  de campagne agricole au moment les denrées sont très chères sur le marché, mais les céréales sont vendues moins chères à toutes les catégories de ménages du village et mêmes des villages environnants. La vente se fait au comptant 5 jours par semaine à raison de 5 tias/jour/ménage.
A Guidan Dimaou, cette activité est essentiellement féminine. Elle a été initiée par le réseau « Daouré » de groupements de femmes regroupant 65 femmes. Le fonds de départ a été constitué par un apport du Fonds Italien/CILSS composé de 160 demi-sacs de vivres  et d’un apport personnel de 65 demi-sacs des membres du réseau. Actuellement les femmes disposent de plus de 200 demi-sacs stockés dans une boutique construite sur fonds propres.
Les vivres sont vendus au comptant ou  à crédit, par sac de 50 à 100 kg avec un intérêt de « 4 tias » par demi-sac.
De ces activités ont découlés la formation des groupements MMD comme décrits à Iskita.
11.   Construction de latrines : Porteur de l’innovation, Abdoulaye Issa, 45 ans
L’activité a été initiée par le projet arziki. La latrine est construite de façon à séparer les fèces qui sont recueillis dans un trou clos surmonté d’un tuyau d’évacuation des gaz et les urines qui sont recueillies dans des bidons. Le trou de réception des fèces a une profondeur de 1,5 m pour éviter la contamination des puits. Dans ce trou, on ajoute de la cendre pour éviter la puanteur et enrichir le fumier qui en résultera après un an de conservation. L’urine se transforme en urée un mois après et s’applique sur les céréales à raison de 1 litre par poquet.
Depuis que j’ai construit ma latrine, je n’utilise plus les engrais minéraux.
12.   Multiplication des semences de mil et de niébé : Porteur de l’innovation, Abouzeidi Soumaila, 60 ans

L’activité a été initiée par le projet arziki depuis 2010. Nous produisons des semences du mil (HKP résistant à la sécheresse, avec un rendement de 1 tonne à l’hectare) et du niébé, variété ISV128 qui murit au bout de 60 jours et qui produits 15 sacs à l’hectare. Pour le mil, une distance de 300m est requise entre deux champs afin d’éviter la fécondation croisée sinon on distribue la même variété aux voisins. Pour le niébé, une distance de 1 à 2 m est requise. En cas d’attaque, nous utilisons les extraits aqueux du neem pour les traitements que nous effectuons avec ses branchages par manque d’appareil. Le sac de 100 kg de mil se vend à 100000f CFA et celui du niébé à 75000F. Pour être producteur de semences, il faut être déclaré comme tel et payé une cotisation d’adhésion de 3000F. Actuellement, nous sommes en partenariat avec Manoma.

Djibrilla Abdou Malam Abdou 

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